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QUESTIONNAIRE SENTIMENTAL DU TEXTILE : Clément Devismes


Clément Devismes

Créatif, designer, Clément compose des images, des histoires, des silhouettes, la mode est son champ d’expression.

Il a créé, en 2019, sa marque « Les Intéressants » à travers laquelle il déploie l’expression spontanée et intuitive d'un univers singulier, qui s’articule autour de la musique, de ses artistes et de ses muses, tout en menant une réflexion sur nos modes de production et de consommation face à la crise environnementale et aujourd'hui sanitaire.

Il nous a dit :

"J'ai été très bavard, dans mes réponses à ce questionnaire ! Je suis fier de participer à ces changements, en tant que créatif, ces contraintes me stimulent et nous sommes de plus en plus nombreux à agir, c'est motivant. Merci à Good Gang Paris de m'accueillir parmi ses "friends" et pour votre questionnaire sentimental très inspirant. "

Clément fait officiellement partie des GOOD GANG FRIENDS !


GGP - De toutes les matières textiles, laquelle est votre préférée ? De quelle matière était fait votre doudou ? Ou votre vêtement d'enfance préféré, une matière qui vous plaisait ?

CD - La fourrure de mon chat 😺 !! Mais j’aimais aussi beaucoup mes peluches en fourrure de coton , ma mère détestait les matières synthétiques et le plastique, né dans les années 70 j’ai eu la chance d’échapper aux sous pulls en acrylique et polyester :), je me souviens aussi de poupées doudou en Liberty auxquelles je dois peut-être mon goût pour les tissus fleuris.


application de sequins sur une chemise vintage


GGP - Votre souvenir le plus doux, marquant, par rapport à un vêtement, objet textile ?

CD - Jeune adolescent pendant les grandes vacances un garçon plus âgé que moi et dont j’adorais le style m’avait prêté son jean troué, très en vogue à l’époque déjà, pour aller à la fête du village ; et plus tard dans la soirée un pull pour me réchauffer … j’étais super fier d’être à la mode avec ce pantalon déchiré et trop grand et également touché par cette attention, et cette intimité de se glisser dans les vêtements d’un autre.

applications de dentelle ancienne et pièces sur une chemise vintage


GGP - Si vous n'aviez qu'une tenue, ce serait laquelle ? et pourquoi ?

CD - Lorsque j’ai commencé mon projet avec Les Intéressants j’ai décidé de travailler une silhouette très simple constituée de 3 pièces : un débardeur, ceux que j'aime sont vintage souvent issus de stocks de l'armée, une chemise en coton unie ou rayée et un caleçon en twill de soie uni ou avec des tissus et foulards upcyclés. Une tenue qui m’obsédait depuis que j’avais vu Madonna dans "Recherche Susan désespérément" et que j’avais très envie d’adopter et de reproduire …. Des éléments typiques du vestiaire masculin que s’approprie Madonna dans ce film en se jouant du genre et des normes… elle a volé les vêtements de son amant et sort avec accessoirisés de ses bas et de talons...


GGP - Pour choisir ce que vous portez c'est d'abord la matière, la couleur, le motif ?

CD - C’est l’humeur du jour, du moment, un mix, parfois comme un uniforme je peux porter la même silhouette pendant une certaine période avec des éléments différents, en déclinant la même idée. J’aime aussi fouiller dans ma garde-robe et ressortir un « vêtement oublié » en le twistant totalement pour lui donner une nouvelle vie :)


GGP - Quel est le vêtement le plus ancien que vous portez encore, quelle est son histoire ? pourquoi y êtes vous attaché ?

CD - J’en ai plusieurs, mais, s'il faut choisir je dirais : un pull Agnes B, avec une maille qui crée un jeu de rayures verticales ajourées, il est noir, et sa transparence subtile me permet de lui donner toujours un effet différent : porté ton sur ton : c’est un simple petit pull noir, avec un t-shirt clair, blanc : l’effet d’optique fait ressortir les rayures, sur un t-shirt imprimé : on devine plus ou moins le motif, et pour le soir, porté sur une matière métallisée on peut jouer avec la lumière. et la brillance tout en la tamisant… je ne pourrais pas m’en passer ! Il a presque 20 ans…. L’autre détail que j ‘adore : ses manches très longues…


GGP - On parle de durabilité environnementale, ou physique, est-ce que la durabilité émotionnelle ça vous parle ? Dites-nous ce que ça vous inspire !

CD - Oui cela me parle beaucoup, chaque vêtement a une histoire et c’est ce que j’aime raconter avec Les Intéressants, qui me pousse aussi à garder et prendre soin de certaines pièces de mon vestiaire plus que d’autres, quand il y a ce lien avec son histoire. Cela peut être un lien affectif, un souvenir ou simplement le témoignage d’un savoir-faire unique et remarquable, sa rareté ou le bien être et la force qu’il nous donne quand on le porte. On oublie souvent aussi que tous nos vêtements ont été façonnés par des mains humaines, on ne peut pas robotiser la confection vestimentaire, ils sont donc tous émouvants.



La mode a un potentiel énorme de communication

et aujourd’hui, plus que jamais,

je ne me vois pas faire une mode qui ne soit pas engagée.



GGP - Le sens, dans la mode, pour vous, ça veut dire quoi ?

CD - J'ai une longue histoire avec la mode :) Enfant déjà, je voulais devenir styliste, je dessinais des vêtements et c’était déjà des personnages. J’ai choisi la mode comme moyen d’expression, j’aurais pu peindre, jouer la comédie, raconter des histoires autrement en faisant des film par exemple, mais le vêtement est le media au travers duquel je m’exprime le mieux. La mode pour la mode, faire des vêtements pour faire des vêtements ne m’intéresse pas. C’est un univers global que je « dessine » et j’ai besoin de lui donner du sens, d’aller au delà du fonctionnel, de faire passer un message, une humeur. J’aime raconter quelque chose, jouer avec et déconstruire les normes, provoquer parfois, partager, c’est politique. La mode a un potentiel énorme de communication et aujourd’hui, plus que jamais, je ne me vois pas faire une mode qui ne soit pas engagée, elle a un rôle important dans la crise environnementale et avec Les Intéressants j’explore une façon différente de produire et de consommer et je m’affranchis des règles établies dans le système en place.


GGP - L’impact de la mode sur l’environnement n’est plus à démontrer. Quelle information à ce sujet vous a le plus interpellé.e ? choqué.e ?

CD - Le gâchis énorme généré par notre surconsommation ces 20 dernières années avec le modèle de la fast fashion , un vrai gaspillage : nous achetons environ 60% de vêtements en plus qu’il y a 20 ans et souvent nous ne portons qu’une petite partie (30 % ) de notre garde-robe, 70% de nos vêtements finissent aux ordures, plus de 100 milliard de vêtements et accessoires sont produits chaque année dans le monde, c'est vertigineux.

Quand certains ont du mal à s’habiller...


GGP - Pour vous, par quoi faudrait-il commencer pour limiter cet impact ?

CD - S’arrêter pour réfléchir un instant avant de faire un achat. Parfois je me dis qu’il faudrait presque que chacun fasse un état des lieux de son vestiaire avant d’acheter quoi que ce soit de nouveau et peut-être avec l’aide d’un expert ou d’un regard extérieur pour mettre en valeur ce que l’on possède déjà - comme checker son frigo et placards avant daller faire ses courses. Valoriser le fait de faire du nouveau avec du vieux, réparer. Redonner de la valeur aux choses pour ne plus être dans cette logique de « mode jetable » fabriquée dans des conditions inhumaines, se poser ces questions : pourquoi je veux ce vêtement ? qui l’a fait ? et d’où vient-il ? Ceci n’exclut pas des achats « coup de coeur » et de soutenir les marques engagées et les artisans, plus on sera sensible à notre façon de consommer moins on fera de gaspillage.


GGP - Quelles sont les choses que vous avez changées pour aligner votre consommation du textile avec vos valeurs ?

CD - Grâce à mon projet « Les Intéressants » je fréquente encore plus assidûment les vides-greniers, les ressourceries, les boutiques solidaires et friperies, j’y trouve ce dont j’ai besoin pour mon activité mais aussi pour moi et quand j’ai les moyens je me fais faire une chemise ou autre par un couturier de mon quartier, dans les tissus que je chine et ce n’est pas aussi cher qu’on l'imagine ! J’évite de visiter les boutiques des grandes enseignes de fast-fashion, ils sont assez forts en propositions, alors j’évite de me laisser tenter et de me frustrer. Je fais au maximum avec ce que j’ai déjà, et j’ai investi dans une machine à coudre mécanique.


GGP - A quoi ne pourriez-vous pas renoncer en matière d'habillement ?

CD - les chaussures sont les seules choses que je n’achète pas d’occasion - avec les chaussettes et sous-vêtements - et je ne pourrais pas renoncer à me faire ce cadeau de temps en temps. Et au delà des chaussures je pense que j’aurais du mal à me passer du cuir, par contre je n'achète que des pièces vintage ou de grande qualité. C’est un grand débat très clivant, pour moi c’est une matière durable par excellence, un vêtement en cuir peut durer toute une vie et se transmettre même patiné et usé, et il peut très bien s'up-cycler. Je déteste les matières trop synthétiques qui vieillissent souvent très mal.

« Cuir tu m’attires » était le slogan d ‘une marque dans les années 80, je ne sais plus laquelle, si quelqu’un s’en rappelle ?? En tout cas cela me parle ! Par ailleurs Il faut encourager la filière dans ses efforts de traçabilité, de transparence, et les petites productions : acheter des produits de qualité et artisanaux, et avec parcimonie, tout comme réduire drastiquement notre consommation de viande dont le cuir est issu.


GGP - Comment faites-vous pour garder vos vêtements le plus longtemps possible ?

CD - Je lis l’étiquette d’entretien !! Je les lave à basse température, je n’ai pas de fonction « séchage » machine, je lave certains vêtements à la main, j’en prends soin ! Et je les répare, je demande parfois conseil autour de moi et je fais appel à un professionnel de temps en temps.


GGP - Les pulls rétrécis, les chaussettes rouges dans une machine de blanc, ça vous arrive ?

CD - Rarement….ou ce n’était pas de ma faute 😂😂


Quelles sont vos solutions pour éviter ces accidents, ou les réparer ?

CD - Je reviens sur l’idée de prendre soin. Quand on consomme des vêtements dont on sait qu’ils ont été conçu par un être humain, dont on connaît parfois l’histoire, la valeur, on a moins envie de tout mettre en boule et de balancer ça dans la machine sans y prêter aucune attention. Avoir de la considération pour redonner de la valeur au choses, même les plus modestes, pour en prendre soin, prendre le temps, celui de la réparation aussi, racommoder devant une série ou en écoutant de la musique ou un podcast peut être distrayant et cela peut être une activité même très méditative ! On peut le faire soi même, se former, de plus en plus d’ateliers se font autour de la réparation - je crois que vous en savez quelque chose chez Good Gang. On peut aussi se tourner vers les couturiers, retoucheurs, amis créatifs ces services deviennent plus facilement identifiables grâce à vos initiatives et à nos partages.


GGP - Le visible mending, (ou réparation créative, inspiré du boro ou du kinsugi) vous connaissez ?

CD - Oui je connais, j’aimerais apprendre cette technique en particulier, je sais qu'il y a un atelier rue Marcadet dans mon quartier qui propose des initiations. Lorsque j’ai commencé à réparer mes premiers pulls j’ai très naturellement utilisé une façon qui s’en rapproche beaucoup mais sans toute l’histoire et la tradition qu’il y a autour, je couds à la main des patch découpés dans mes archives de tissus anciens et issus de mes petites productions.


GGP - Qu'est ce qui fait, d'après vous, qu'on hésite à porter un vêtement réparé ?

JH - On n’a totalement perdu cette habitude c'est dommage. On a voulu rendre la mode accessible à tous mais au détriment de biens d’autres choses et dans une frénésie de consommation générale. On se lasse vite des choses, on ne prend plus le temps, je crois que l'on ne se pose même pas la question, cela parait peut-être trop désuet et une habitude « honteuse » et rétrograde. Je suis content de participer à la revalorisation de cette tradition et de diffuser une image plus positive des imperfections et des cicatrices.


Retrouvez toutes les personnalités qui on répondu à notre questionnaire sentimental : ici.



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